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Sahel et en Afrique de l’Ouest Des avancées sensibles mais une sécurité alimentaire et nutritionnelle encore fragile

En dépit des avancées notées pour la campagne agricole 2015-2016, la sécurité alimentaire et nutritionnelle reste encore fragile et instable au Sahel et en Afrique de l’Ouest, avec des poches d’insécurité alimentaire nécessitant des réponses d’urgence. C’est en résumé ce qui se dégage de la réunion restreinte du Réseau de prévention des crises alimentaires (RPCA) et du groupe d’experts séniors de l’Alliance globale sur les initiatives de résilience (SEG-AGIR) au Sahel et en Afrique de l’Ouest tenue du 13 au 15 avril 2016 au siège de l’OCDE à Paris (France)

Bien que les résultats de la campagne 2015-2016 soient jugés globalement satisfaisants par les membres du Réseau de prévention des crises alimentaires (RPCA) au Sahel et en Afrique de l’Ouest, l’insécurité alimentaires touchent encore 6,7 millions personnes. "Ces populations qui ont besoin d’assistance en urgence pourraient atteindre 9,5 millions en période de soudure, si rien est fait", ont fait remarquer les experts se fondant sur les résultats du cadre harmonisé.

En raison des implications de changement climatique et l’insécurité autour du bassin du lac Tchad et dans plusieurs localités Mali, au Niger, au Nigeria et Tchad, le manque d’aliments pour le bétail peut générer des crises pastorales et des poches d’insécurité alimentaire et nutritionnelle.

Pendant que les pays secoués précédemment par l’épidémie de la fièvre Ebola reviennent progressivement à une production domestique jugée satisfaisante, le terrorisme et les conflits armés perturbent et fragilisent la sécurité alimentaire et nutritionnelle dans plusieurs pays de la région.

Sous l’égide des Commissions de la CEDEAO et de l’UEMOA, le Secrétariat exécutif du CILSS et le Secrétariat du CSAO/OCDE ont organisé cette réunion restreinte du RPCA pour, entre autres, "faire le bilan définitif de la campagne agro-sylvo-pastorale 2015-16 et analyser la situation alimentaire et nutritionnelle en vue de convenir des mesures à prendre pour faire face à toute éventuelle crise".

Outre le bilan et l’analyse des perspectives en matière de sécurité alimentaire et nutritionnelle, le Groupe d’experts seniors (SEG) de l’Alliance globale pour la résilience (AGIR) – Sahel et Afrique de l’Ouest a fait un état des lieux du processus de formulation des « Priorités Résilience Pays » (PRP-AGIR) et échangé sur les conditions de mobilisation des parties prenantes pour l’accompagnement des pays dans la mise en œuvre de leurs priorités nationales.

La session sur AGIR a servi également de cadre de réflexion sur le renforcement de la convergence, des synergies et complémentarités, pour la concrétisation de la déclaration adoptée en octobre 2015 à Milan sur le processus AGIR. Cette déclaration, rappelle-t-on, a appréhendé les priorités de résilience formulées et en cours de formulation par les pays comme des "Cadres fédérateurs et de convergence des initiatives résilience dédiées aux pays".

Bilan de la campagne

En novembre 2015, à en croire le bilan régional basé sur le "Cadre harmonisé" le nombre de personnes souffrant de faim et de malnutrition au Sahel et en Afrique de l’Ouest s’élevait à 7,9 millions de personnes. Ce nombre a chuté à 6,7 millions en mars 2016. Mais il est à craindre que la population en insécurité alimentaire et nutritionnelle atteigne 9,5 millions en période de soudure, si rien est fait.

Les risques d’insécurité alimentaire et de malnutrition sont en perspectives plus élevés dans les zones du bassin du Tchad (faibles disponibilité et accessibilité alimentaire pour la population et le bétail du fait des conflits armés et des perturbations climatiques).

Enjeux et implications

Il ressort des analyses faites que certains pays et zones spécifiques (tel que le bassin du Lac Tchad) ont besoins d’assistance alimentaire, de protection des moyens d’existence, de prévention et de lutte contre la malnutrition.

Conformément à la 1ère recommandation de la 31ème réunion du RPCA, il avait été demandé aux Etats d’élaborer des plans nationaux de réponses (ou plans nationaux de soutien). Tout en renforçant la résilience des populations face aux éventuelles crises, ces mesures et instruments de politiques économiques permettent de passer de l’alerte précoce à la prévention. Ils s’inscrivent dans l’opérationnalisation de la Charte sur la prévention et la gestion des crises alimentaires au Sahel et en Afrique de l’Ouest.

En ce qui concerne la formulation et la mise en œuvre des priorités de résilience pour les pays, il y a aujourd’hui nécessité d’une compréhension partagée des attentes et d’un meilleur consensus sur la finalité de l’exercice du dialogue inclusif conduit par les pays et l’ensemble des acteurs pour la formulation des "Priorités de résilience pays (PRP-AGIR)"

S’appuyant sur la déclaration de Milan en novembre 2015, le compromis actuel fait des PRP-AGIR le cadre de référence de toutes les initiatives en matière de résilience avec pour finalité d’améliorer l’ancrage et la cohérence avec la Politique agricole à travers les Programmes nationaux d’investissement agricole (PNIA) de deuxième génération.

Mais il se fait que dans beaucoup de pays, la formulation des PRP-AGIR est perçue comme un nouveau chantier susceptible de déboucher sur des projets à financer. Les actions spécifiques ciblées pour les pauvres et les extrêmes pauvres, notamment en ce qui concerne la protection sociale et la nutrition, viennent en complément des Plans d’investissement agricole.

Conçus en opérationnalisation de la volonté des Chefs d’Etat d’accroître l’investissement dans le secteur agricole, ces plans d’investissement n’avaient pas pour vocation originelle première d’être des instruments de renforcement de la résilience des populations pour faire face aux éventuelles crises alimentaires et nutritionnelles.

De plus, dans certains pays comme le Bénin et au niveau régional, l’ancrage institutionnel des Programmes d’investissement agricole est différent de l’ancrage institutionnel des PRP-AGIR. En ce qui concerne la nutrition, la protection sociale et le renforcement de la résilience pour les pauvres et extrêmes pauvres, il est claire que beaucoup d’actions ciblées comme priorités ont besoin de financement spécifique et complémentaire.

Les dialogues inclusifs pour la formulation des priorités de résilience ont l’avantage de mettre en exergue la nécessité d’une plus forte cohérence entre les PNIA (Programme national d’investissement agricole) de nouvelle génération, les programmes d’investissement associés (notamment en ce qui concerne l’élevage et le pastoralisme) et les défis de résilience concernant la nutrition, la protection sociale et le changement climatique.

La résilience permet de mieux approcher les questions de multi-sectorialité, d’inclusivité de la croissance économique et de renforcement des liens stratégiques et opérationnels entre la protection sociale, le changement climatique et la sécurité alimentaire et nutritionnelle.

Abel Gbêtoénonmon, Journaliste économique

Expert en analyse des politiques économiques

Crédits: AK-Project