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Le Commerce intra régional formel en Afrique de l’Ouest: Ses atouts et ses défis face à la mondialisation, par Moussiliou ALI Consultant indépendant

Le processus de la mondialisation, dans presque tous les domaines d’activités, notamment dans les secteurs de l’économie, du commerce international et intra-régional est aujourd’hui une réalité à la fois irréversible et incontournable. Il est évident que ce processus comporte aussi bien des défis que des opportunités et des perspectives. Ainsi, pour faire face à ces défis, saisir les opportunités et développer les perspectives en vue, certains Etats se sont regroupés, au cours des trois dernières décennies, en communautés ou organisations sous-régionales et régionales. Cette approche a permis à plusieurs pays d’identifier, de développer et de protéger leurs divers intérêts communs à tous les niveaux. D’où la naissance, en Afrique, de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) le 28 mai 1975, de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) le 10 janvier 1994, de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (CEMAC) le 16 mars 1994 et de la Communauté pour le Développement de l’Afrique australe (SADC) le 17 août 1992.

La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) regroupe aujourd’hui 16 pays de la sous-région, à savoir le Bénin, le Burkina Faso, le Cap-Vert, la Côte d’Ivoire, la Gambie, le Ghana, la Guinée, la Guinée-Bissau, le Libéria, la Mauritanie, le Mali, le Niger, le Nigeria, le Sénégal, la Sierra-Loone et le Togo. L’un de ses objectifs majeurs est de promouvoir l’intégration économique régionale des pays membres, afin d’assurer et d’accélérer leur développement économique et social, ainsi que le bien-être des populations concernées. Parmi les principaux moyens prévus et mis en œuvre par la CEDEAO pour parvenir à ce but se trouvent la promotion et la facilitation des échanges commerciaux intra-régionaux à travers la libre circulation des personnes, des biens, des technologies et des ressources financières.

La poursuite de cet objectif, par la CEDEAO, s’avère plus pertinente et impérative en raison de la crise financière et économique qui secoue actuellement le monde. En effet, le commerce intra-régional formel constitue une aubaine qui, à condition d’être pleinement exploitée, permettrait d’accélérer la croissance économique et contribuer au bien-être des populations de la sous région. Au nombre des principaux atouts y afférents, on peut citer :

- la possibilité de créer un marché commun ouest-africain aux avantages multiples ;
- la génération des opportunités d’emploi à travers la multiplication des PME et des PMI qui pourraient s’investir dans différentes filières du secteur ;
- la réduction de la pauvreté et de la misère dans les Etats de la sous-région grâce aux retombées des échanges intra- régionaux florissants ;
- L’accroissement des revenus fiscaux des Etats ;
- l’affermissement des relations socio-économiques entre les Etats et les populations de la sous région.
Cependant, la valorisation des échanges commerciaux intra- régionaux florissants se heurte aux entraves ci-après :
- les barrières linguistiques, notamment entre les pays anglophones et francophones ;
- les nombreuses barrières douanières et non tarifaires qui jonchent les axes routiers reliant les Etats de la sous-région, freinant la libre circulation des biens et des personnes ;
- l’insécurité sur les axes routiers ;
- la préférence, par les opérateurs économiques, des transactions informelles en raison de la multiplicité, de la lenteur et de la lourdeur des formalités douanières qui pénalisent gravement la rentabilité des transactions ;
- les différentes tracasseries et les excès de contrôle subis par les opérateurs économiques et les voyageurs routiers, même lorsqu’ils sont en possession des documents authentiques de voyage et d’accompagnement des marchandises ;
- l’indifférence apparente des autorités politico-administratives face aux tracasseries subies par les opérateurs économiques, ce qui donne l’impression que les agents de contrôle routier, dont certains sont responsables de ces tracasseries, ont l’approbation officielle de leurs autorités qui se soucient peu d’une surveillance efficace et systématique de leurs activités ;
- l’absence ou l’inactivité d’un cadre permanent et efficace de concertation périodique au niveau des Etats membres de la CEDEAO, pour étudier et réduire les contraintes sans négliger les questions de sécurité.

En résumé, le commerce intra- régional au sein de l’espace CEDEAO, 43 ans après la création de la communauté, manque encore de dynamisme. C’est bien dommage. Pourtant, plusieurs mesures, instruments et structures ont été créés et adoptés par l’organisation communautaire, à savoir :

- La Charte relative à la libre circulation des personnes, qui supprime le visa et les permis d’entrée et qui offre aux citoyens des Etats membres, disposant d’un passeport et d’un livret de vaccination, le droit de séjourner ou de résider sans autorisation sur un territoire pour une durée maximum de quatre-vingt-dix jours ;

- Un espace de libre échange caractérisé par la suppression des droits de douane et taxes sur les marchandises et produits du cru, puis la levée des barrières non tarifaires au commerce des marchandises entre les Etats membres tel qu’adopté par la Conférence des chefs d’Etat en 1990.

- L’organisation périodique des foires commerciales régionales de la CEDEAO, (interrompues depuis quelques années), puis la création de l’Institut monétaire de l’Afrique de l’Ouest (IMAO), qui a pour principal objectif de créer la deuxième monnaie régionale (ECO), d’harmoniser les politiques monétaires et fiscales ainsi que les systèmes de paiement.

- A présent, il est possible de réaliser des transactions monétaires intra-régionales grâce aux instruments de transfert mis en place par différentes banques installées et opérant dans la sous-région.

Les principaux défis

Malgré les nombreuses réalisations faites par la CEDEAO, beaucoup reste encore à faire, particulièrement en ce qui concerne le commerce intra- régional. La mise en œuvre des politiques économiques et l’application des chartes évoluent au ralenti. La volonté des Etats de réaliser un marché commun avec une monnaie commune, manifestée en 1975, n’est toujours pas une réalité. La CEDEAO et l’UEMOA avaient prévu d’harmoniser leurs politiques commerciales et fiscales et de libéraliser leurs échanges à travers une fusion qui devra être effective en 2004. Malheureusement, en raison de l’échec connu dans la réalisation de la seconde zone monétaire tant souhaitée, cette fusion est toujours attendue.

De plus, les engagements pris par les Etats membres par rapport à la libre circulation des personnes et des biens et par rapport aux critères macro-économiques de convergence de la CEDEAO n’ont toujours pas encore été honorés. Certains Etats membres seraient endettés envers les différentes institutions de la CEDEAO, ce qui ralentit le processus d’intégration et d’exécution des programmes de la communauté.
Face à cette situation et considérant les effets redoutables de la crise économique et financière internationale, quelles options s’offrent-elles aux Etats de la sous-région ?

1. Au niveau des Etats

- Le renforcement des relations économiques inter-Etats au sein de la sous-région par la mise en œuvre effective et transparente des accords régionaux ou bilatéraux visant la promotion du commerce et de l’industrie ;

- La dissémination claire, nette, visible et fonctionnelle, à tous les niveaux, des accords régionaux ou bilatéraux visant la promotion du commerce, de l’industrie et de l’économie, afin de permettre aux opérateurs économiques de saisir les opportunités pertinentes ;

- L’élimination effective de toutes les entraves à la libre circulation des personnes, des biens et des technologies de l’information et de la communication au sein de l’espace CEDEAO afin d’élargir les marchés nationaux et sous-régionaux pour accélérer l’intégration économique régionale ;

- La formation, l’information et la sensibilisation, par chaque pays, des agents de sécurité frontalière et routière sur leur rôle de facilitateur du commerce intra régional à travers la libre circulation des biens et des personnes dans des conditions prévues par les règlements nationaux et sous-régionaux ;

- L’adoption des mesures incitatives en faveur des agents de sécurité frontalière et routière (salaires adéquats, indemnités et primes, etc.) pour compenser les efforts particuliers qu’ils sont tenus de fournir dans l’exercice de leurs fonctions en toutes saisons, afin de dissuader la tendance à la corruption, à l’extorsion et aux tracasseries qui affligent et découragent les usagers.

2. Au niveau des institutions consulaires

- La concertation et la coopération permanente entre ces institutions afin de faciliter la fluidité des transactions intra- régionales, condition indispensable à la réussite des mesures incitatives destinées à favoriser les échanges commerciaux formels intra-régionaux ou bilatéraux ;
- L’appui effectif aux opérateurs économiques de leurs pays respectifs pour faciliter l’accès aux marchés sous-régionaux et régionaux ;
- Une campagne de sensibilisation à long terme à l’attention des opérateurs économiques de chaque pays, pour leur faire prendre conscience des avantages des transactions commerciales formelles au sein de la sous-région, par rapport aux activités informelles non durables.
Le plaidoyer auprès des autorités politiques en vue de les amener à prendre des mesures appropriées, telles que celles suggérées au point 1 ci-dessus, en vue de la réalisation des conditions qui inspirent, de la part des opérateurs économiques, la confiance et la quiétude dans les transactions inter-étatiques ou intra-régionales.

Conclusion

Les crises économique et financière qui secouent actuellement le monde produisent déjà des effets négatifs bien graves, notamment la réduction de l’aide au développement, la chute des prix de certaines matières premières et la baisse de leur demande sur les marchés internationaux.
Toutefois, si les dispositions ci-dessus préconisées sont prises, avec d’autres mesures pertinentes, le commerce intra- régional pourrait s’épanouir de manière à neutraliser, dans une large mesure, certains de ces effets négatifs et favoriser la croissance économique accélérée dans l’espace CEDEAO. L’objectif ultime en serait l’élimination de la misère et de la pauvreté qui menacent surtout les jeunes et les femmes ainsi que d’autres couches vulnérables au sein des populations de la sous-région. Naturellement, les revenus fiscaux des Etats seraient également renforcés.
Etant donné que les crises économique et financière mondiales entraînent inévitablement la baisse de l’aide au développement et des investissements en provenance des pays avancés, il conviendrait aux pays en voie de développement, y compris ceux membres de l’espace CEDEAO, d’augmenter, de diversifier et de rentabiliser au maximum les sources de revenu. C’est dans cette optique que les Etats de la sous-région devraient s’investir, par tous les moyens appropriés, à promouvoir le commerce intra- régional, l’une des sources génératrices de revenus à l’Etat et aux populations.

*Consultant indépendant,

Acteur de développement économique et social, Spécialiste du commerce international et intra-régional,Traducteur

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