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Insécurité alimentaire : le paradoxe de l'Afrique de l'Ouest par Ibrahima Diallo

Partant des chiffres bruts sur la production et les stocks de produits agricoles, l'on constate qu'il y a bien une sécurité alimentaire en Afrique de l'Ouest. Mieux, l'insécurité alimentaire ne serait pas un problème saisonnier dans cette sous région, mais (un problème) structurel qui doit faire appel à des solutions structurelles.

Quand on considère les chiffres bruts sur la production et les stocks de produits agricoles en Afrique de l’Ouest, on se rend compte qu’il y a une sécurité alimentaire dans la sous région. Mais le volume des importations de céréales et denrées alimentaires prouvent le contraire. C’est en substance ce que l’on peut retenir du Rapport mondial sur les politiques alimentaires 2011 de l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI). Ce document, le premier d’une série annuelle, présenté hier vendredi 29 juin 2012 à Dakar dresse un « tableau complet des principaux changements en matière de politiques aux niveaux mondial, régional, national et local, et souligne leur importance pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle ».

Selon Dr Ousmane Badiane, Directeur pour l’Afrique d’IFPRI qui est revenu sur les « Perspectives pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre », l’insécurité alimentaire n’est pas un problème saisonnier dans la sous région Ouest africaine, notamment dans l’espace Comité inter Etat de lutte contre la sécheresse au Sahel (Cils), mais (un problème) structurel qui doit faire appel à des solutions structurelles. A l’en croire, quelque soit l’importance de la production et des stocks (avec un surplus), il y a toujours eu des poches de vulnérabilité chronique en milieu rural. Or, les politiques pour régler ces vulnérabilités doivent être les mêmes que celles déroulées pour accélérer la croissance.

Dr Ousmane Bandiane qui s’interroge sur « Comment profiter de la relance économique pour rentabiliser l’agriculture et renforcer la croissance », a souligné que dans tous les pays de l’Afrique de l’Ouest, on a tellement négligé le secteur agricole dans le budget (environ 15% au Sénégal). Or ce secteur qui est d’un apport important dans l’économie de nos pays, tout comme les services, devait bénéficier d’environ 40% du budget. Pour cela, « il faut un dialogue positif entre les différents pays et entre ces pays et les partenaires dans le secteur agricole et accélérer les progrès vers le financement de l’agriculture ».

Pour lui, « même si tous les pays africains atteignent les Objectifs du millénaire pour le développement (Omd) à 50%, il y aura toujours 30% de pauvres ». D’où l’importance de la relance économique à pérenniser pour éviter le recul des années 1970. Seulement la relance de ces économies nationales passe par la valorisation et l’investissement dans l’agriculture tout en jetant les bases de l’agri business et organisation et la formation des acteurs évoluant dans le secteur des services (artisanat, bâtiment et travaux publiques, informel, etc.). Et de souligner que l’accroissement noté dans le secteur des services dans nos pays est lié à « l’essoufflement et la non modernisation de l’agriculture combiné au déclin de l’industrialisation ». C’est pourquoi il en appelle à de nouvelles politiques industrielles prenant en compte la transformation avec l’agri business et les services.

Paradoxe : avec suffisamment de nourriture, les gens ont faim

Mamadou Bara Gueye, Directeur pour l’Afrique de l’institut Innovation, Environnent et Développent (IED) qui a ouvert les « Discussions », a relevé ce qu’il considère comme des dichotomies dans cette présentation. A son avis, la première dichotomie, c’est qu’il y a « suffisamment de nourriture, mais les gens ont faim ». Ce qui met à nu le problème de gouvernance. La seconde est que l’on enregistre des « croissances partout, mais la pauvreté persiste ». Cette situation s’explique par les « problèmes de gestion et de redistribution des ressources ». D’où l’importance du système de gouvernance des investissements.

Concernant la transformation du secteur agricole, le constat, a-t-il martelé, c’est que nos Etats ne font que réagir par rapport à des situations de crise et catastrophes sans aucune politique proactive. « Il y a aussi la problématique de la transformation de l’agriculture, en passant d’une situation de réaction à celle de pro activité, c’est-à-dire construire une vision à long terme ».

Mamadou Bara Gueye va plus loin en invitant à transformer le modèle de consommation dans nos pays, qui entraîne une « double dépendance » à savoir l’exportation de denrées alimentaires et la reproduction de systèmes importés. Toutefois, dans ce processus de changement, « si l’agriculture doit être transformée, ce n’est pas avec les acteurs actuels. La transformation doit venir des jeunes. La taille des exploitations aussi est à revoir à la hausse », surtout celle familiales et des micros-exploitants. Les innovations seront aussi élargies à l’accès à la terre avec la mise en place d’une législation foncière adaptée et des capitaux pour accompagner les transformations. Seulement « il faut vieller à ce que ses transformations ne viennent pas briser d’un coup les acquis et prendre en compte des innovations locales et mettre en rapport la recherche et les communautés ».

Un meilleur accès aux ressources et de meilleures technologies

Le rapport livre des enseignements et des orientations stratégiques pour sortir du cercle vicieux des crises alimentaires et atténuer les conséquences des augmentations des prix, les changements climatiques et la crise financière sur les populations. Il préconise de maintenir les questions de politique agricole au sommet de l’agenda mondial. Il compte servir également comme document de référence pour les responsables politiques et autres acteurs qui participent aux grandes discussions sur le développement mondial.

Mieux, atteindre une sécurité alimentaire pour tous nécessitera que les populations pauvres aient un meilleur accès aux ressources, à de meilleurs technologies pour la production et la distribution des denrées alimentaires, à des gouvernement plus efficaces et responsable, à des stratégies opportunes et appropriées, à des politiques et des institutions dans les domaines de la production vivrière, de la nutrition, des sciences et des technologies, à des ressources naturelles. Suffisant pour que l’IFPRI recommande des actions concrètes susceptibles d’améliorer les décisions et interventions en matière de politiques alimentaires en 2012 et au-delà.

Source : Sudonline

Crédits: AK-Project