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Prévisions à long terme pour les conditions météorologiques extrêmes

Si vous demandiez à un climatologue de lire l’avenir dans une boule de cristal pour prédire les impacts du changement climatique dans les dix prochaines années, il refuserait probablement.

La raison pour cela est que le climat est une moyenne des conditions météorologiques établie sur plusieurs dizaines d’années. Les changements se produisent lentement et sont enregistrés sur des décennies, voire des siècles ou même des millénaires.

Comment les organisations humanitaires et les communautés peuvent-elles alors établir des programmes pour répondre aux prochaines catastrophes liées au climat ? Selon Thomas Knutson, climatologue américain coprésident de l’équipe d’experts sur les impacts du changement climatique sur les cyclones tropicaux de l’Organisation météorologique mondiale, les données historiques — remontant jusqu’à un siècle ou plus — peuvent donner une idée de ce qui risque de se produire.

« À mon avis, les organisations humanitaires et les communautés devraient au moins être préparées à faire face à des évènements météorologiques et climatiques semblables (en intensité, etc.) », a dit M. Knutson à IRIN dans un courrier électronique.

Chercher dans les données historiques des signes de changement climatique anthropique dans une région donnée pourrait également donner des pistes sur ce qui pourrait se produire à l’avenir. « Par exemple, si une région est touchée par une sécheresse ou des températures extrêmes, des données ont-elles déjà été publiées qui révèlent une contribution anthropique détectable à la variable en question (un indicateur de sécheresse dans le cas d’une sécheresse, par exemple, ou des températures dans le cas de températures extrêmes) ? ».

Selon M. Knutson, une nouvelle évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), qui devrait être publiée le 27 septembre, et le rapport sur la gestion des risques de catastrophes et de phénomènes extrêmes pour les besoins de l’adaptation au changement climatique (SREX) « permettront une interprétation à titre indicatif des facteurs pouvant contribuer aux phénomènes météorologiques et climatiques des dix prochaines années ».

Orienter les efforts sur la population

Plutôt que de perdre du temps à essayer de prédire ce qui pourrait se passer, de nombreux scientifiques préconisent de concentrer les efforts sur l’élaboration de mesures pour préparer la population et les pays à faire face à l’imprévisible.

Selon Richard Klein, l’un des auteurs du SREX, les personnes qui souffrent des conséquences de phénomènes météorologiques extrêmes n’ont que faire de savoir si ces évènements sont dus au changement climatique ou à une variabilité naturelle. « Insister sur cette distinction à l’heure de prendre des décisions en matière d’adaptation et, à mon avis, moralement contestable et inefficace. »

Les politiques d’adaptation et les financements ne devraient pas dépendre de cette distinction, a-t-il dit à IRIN. « Imaginez une rivière en crue et, à dix mètres de vous, quelqu’un dans l’eau qui appelle à l’aide. Plutôt que de lui lancer une corde de dix mètres de long, vous faites un calcul rapide et découvrez que la crue a 40 pour cent de chances d’être due au changement climatique et 60 pour cent de chances d’être le résultat d’une variabilité naturelle. »

« Vous décidez donc de lui lancer une corde de quatre mètres de long et lui suggérez de parcourir les six mètres restants à la nage ou de demander à quelqu’un d’autre une corde de six mètres. Si cette personne ne sait pas nager et que personne d’autre ne peut lui venir en aide, non seulement les quatre mètres de cordes sont insuffisants, mais vous aurez agi en pure perte. »

Associer l’adaptation et la réduction des risques de catastrophes

Dans dix ans, le Cadre d’action de Hyogo pour 2005-2015, un programme mondial sur dix ans visant à réduire la vulnérabilité et l’exposition aux aléas, aura fait place à son successeur. Un traité sur le climat devrait également être signé pour ralentir les conséquences du changement climatique et débloquer des fonds pour aider les pays à s’adapter.

Selon Saleemul Huq, expert en adaptation et coauteur des évaluations du GIEC, les stratégies de réduction des risques de catastrophes sont maintenant largement acceptées comme étant une forme d’adaptation au changement climatique. La réduction des risques de catastrophes et l’adaptation au changement climatique sont davantage coordonnées et l’attention est de plus en plus portée sur l’impact des politiques sur les infrastructures et la population et sur le renforcement de la résilience.

« Il est encore tôt pour dire comment les objectifs en matière de résilience vont évoluer », a dit Katie Harris, chargée de recherches pour l’Institut de développement d’outre-mer (Overseas Development Institute, ODI), mais le débat sur la résilience a permis de rapprocher les spécialistes des catastrophes, du changement climatique et du développement.

Évaluer la fragilité des États

Mme Harris et deux autres experts — Tom Mitchell, auteur principal chargé de la coordination du SREX, et David Keen, enseignant à la London School of Economics — proposent l’intégration de la consolidation de la paix et du renforcement de l’État dans la gestion des risques de catastrophe. Ils espèrent que cette idée va gagner en popularité dans les années à venir.

Dans un récent rapport, ces experts ont dressé la liste des pays présentant des niveaux élevés de fragilité, de risque de catastrophes, de pauvreté et de vulnérabilité au changement climatique, indiquant une « concomitance entre le risque de mortalité dû à une sécheresse, la fragilité de l’État et la vulnérabilité face au changement climatique ».

De nombreux humanitaires partagent cet avis depuis la crise humanitaire de 2011 en Afrique de l’Est, qui avait été provoquée par la sécheresse et l’insécurité alimentaire et politique et avait dégénéré en famine en Somalie, qui se trouvait alors en plein conflit.

Les pays dont le gouvernement est fragile ou qui sont affectés par des conflits, comme la Somalie, l’Afghanistan et le Niger, composent le haut de cette liste des pays les plus vulnérables aux catastrophes et au changement climatique dans les années à venir.

Cette liste prend en compte la faiblesse ou l’instabilité du gouvernement ainsi que sa volonté et sa capacité à intervenir lors de catastrophes. Elle inclut le Failed States Index, un indice créé par l’organisation de recherche à but non lucratif américaine Fund for Peace. Cet indice tient quant à lui compte de tout un ensemble de variables reflétant l’état de la gouvernance des pays, comme l’impact des conflits, les déplacements d’habitants, le développement économique, les taux de pauvreté, les sujets de mécontentement de la population, l’état des services publics, le respect des droits de l’homme, l’état de droit, l’appareil sécuritaire et l’émergence d’« élites divisées en factions ».

Selon Mme Harris, les programmes en matière de changement climatique et de risques de catastrophes naturelles devront prendre en compte ces facteurs additionnels. Or, a-t-elle dit à IRIN, si la communauté humanitaire a commencé à envisager des actions associant la réduction des risques de catastrophes, l’adaptation au changement climatique et le développement, la fragilité de l’État et la gestion des conflits sont rarement mentionnées dans ce contexte.
Un nouvel accord sur le climat

M. Huq espère qu’un nouveau traité sur le climat intégrant la réduction des risques de catastrophes, l’adaptation et le développement sera prêt d’ici 2023. Les négociations internationales sur le climat traînent depuis au moins vingt ans, freinées par le manque de volonté politique de certains pays développés comme les États-Unis.

M. Huq dit qu’avec l’administration du président Barack Obama aux commandes, il ressent un « plus grand optimisme ». « Le président Obama et son équipe de conseillers expérimentés admettent tous l’ampleur du problème du changement climatique et reconnaissent la responsabilité des États-Unis. [Cette position] contraste radicalement avec celle de son prédécesseur, le président Bush, qui a refusé pendant huit ans de prendre des mesures substantielles. »

Aux États-Unis, certains habitants et quelques personnages politiques ne sont toujours pas convaincus de la responsabilité de l’homme dans le changement climatique, a-t-il ajouté. Mais la réalité des conséquences climatiques majeures, comme la récente sécheresse aux États-Unis, pourrait en convaincre quelques-uns, tout comme « le risque de migrations de masse et de conflits soulevé par le Pentagone, [ou la crainte] de se faire doubler par la Chine dans la transition vers une économie post-fossile. Quelles que soient les raisons pour prendre des mesures, même si nous prenons les bonnes décisions pour de mauvaises raisons, je peux m’en contenter », a écrit M. Huq dans un récent article d’opinion.

Source : IRIN

Crédits: AK-Project