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La chronique du lundi Afrique : la feuille de route pour aller vers l’émergence

Diversifier, industrialiser, moderniser l’agriculture, se désenclaver, favoriser l’intégration régionale et continentale, promouvoir le leadership féminin, appliquer les principes de bonne gouvernance, consolider la stabilité politique, affirmer sa présence sur la scène internationale.

Ces dernières années, les exportations des matières premières ont participé, de façon prépondérante, au grand réveil de l’Afrique et à son développement économique, en particulier dans les 7 pays qui ont connu, en 2014 et 2015, un taux de croissance supérieur à 7% : Libéria, 7% ; Mozambique, 7,2% ; Zambie, 7,4%, Ghana et RDC, 8,9% ; Côte d’Ivoire, 9% ; Sierra Leone 9,5%. L’Afrique n’est plus, un continent synonyme de pauvreté. Le "boum" démographique annonce l’existence d’un marché considérable avec l’émergence d’une classe moyenne qui dispose d’un pouvoir d’achat suffisant. Le « grand réveil » de l’Afrique passe par certains Chefs d’Etat et des nouvelles générations d’entrepreneurs qui sont en train de changer l’image de l’Afrique aux yeux du monde et des Africains eux-mêmes. Mais, la feuille de route qui conduit vers l’émergence, si elle est tracée, est loin d’être écrite.

Quelles sont les urgences ? L’Afrique doit :

● Se diversifier : il est important que les pays africains, à côté des très grosses entreprises minières et pétrolières, étrangères et financièrement off-shore, diversifient leurs économies à travers un réseau de PME capables d’assurer une large part de la production industrielle, avec des objectifs de qualité et de compétitivité. Le moteur du développement se situe dans toutes ces jeunes entreprises privées qui viennent prendre le relais des anciennes grandes sociétés d’Etat qui sont nées au moment des indépendances et qui ont généré un modèle économique aujourd’hui à bout de souffle.

● Industrialiser : si l’Asie a su créer une véritable industrie locale de transformation des matières premières, l’Afrique est, dans ce domaine, très en retard. Il est donc urgent que se développe sur le continent noir une industrie locale de transformation. L’émergence passe par l’industrialisation de l’Afrique avec la création d’un réseau dense de PME, PMI, ETI. Il est donc urgent de développer un esprit entrepreneurial, car la promotion de l’entreprise n’est pas suffisante. Or, c’est le secteur privé qui peut créer les emplois dont l’Afrique a besoin.

● Moderniser l’agriculture : l’agriculture, qui est l’une des composantes essentielles d’un développement équilibré, doivent se moderniser. Si la faim dans le monde a reculé ces 20 dernières années, la malnutrition, qui est un problème structurel, augmente en Afrique, alors que le continent dispose des plus grandes réserves de terres cultivables Afin de répondre aux besoins de l’Afrique, il faudra, d’ici 2050, multiplier par deux les surfaces cultivables et par trois les rendements agricoles. En même temps, il s’agit, pour chaque Etat africain, d’assurer sa sécurité et sa souveraineté alimentaires.

● Désenclaver : le retard de l’Afrique en matière d’infrastructures, des axes de transports à la production d’électricité, reste un sérieux handicap. Aujourd’hui, les économies africaines ont besoin d’investir 93 milliards de dollars par an pour mettre leurs infrastructures à niveau dans les domaines de l’aérien, du ferroviaire, des routes et des ports, outils du désenclavement de l’Afrique.

● Favoriser l’intégration régionale et continentale : les pays africains sont trop petits, il est important que l’intégration régionale et continentale avance. Il existe bien huit Communautés Economiques Régionales (CER) : l’UMA, la CEN-SAD, le COMESA, l’CAE, la CEEAC, la CEDEAO, l’IGAD et la SADC. Malgré le remarquable travail de l’Union Africaine (UA) et la volonté de certains dirigeants, les progrès de l’intégration sont lents. L’UA est confronté à la réalité des intérêts divergents d’Etats-nations jeunes, ce qui rend difficile la libre circulation des personnes, des biens et des financements.

● Promouvoir le leadership féminin : des progrès existent, les Etats mettent de l’argent, des lois sont votées, afin de promouvoir le leadership féminin. L’enjeu est aussi culturel : il’agit de conduire une véritable révolution culturelle, qui commence à l’école, afin de faire évoluer les mentalités. La « jeune fille » africaine ne doit plus être considérée comme « la petite bonne » de la maison.

● Appliquer les principes de bonne gouvernance : on ne peut dissocier progrès économique et progrès en matière de « bonne gouvernance » politique. L’application des principes de bonne gouvernance est une nécessité sur le chemin de l’émergence avec, comme objectif, l’ambition de servir le bien public. Parmi les priorités : la consolidation des institutions et la lutte contre la corruption.

Consolider la stabilité politique : au moment des élections, on assiste au retour des vieux affrontements ethniques, tribaux ou régionaux. Or, il ne peut y avoir de développement économique et social durable sans stabilité politique.

Affirmer sa présence sur la scène internationale : l’Afrique doit occuper dans toutes les instances internationales la place qui lui revient. Son absence de la scène internationale appartient au passé, car le continent est devenu un enjeu géopolitique, géostratégique et géoéconomique. C’est aussi un enjeu de sécurité globale avec la montée des menaces terroristes et des trafics illicites à cause de la porosité des frontières et la faiblesse de certains Etats.

C’est une évidence : l’Afrique, en ce début de XXIème siècle, est mieux partie qu’elle ne l’était dans les années 1960, au moment des indépendances politiques et de la Guerre froide. Les Africains eux-mêmes portent un regard différent sur leur continent. Ils savent que l’Afrique, désormais connectée à la planète entière, est en passe de devenir l’un des moteurs de la croissance mondiale, car elle dispose de quatre leviers du développement : volonté politique, richesses naturelles, financement et capital humain. En 2000, The Economist titrait sur l’Afrique « the hopeless continent » (= continent désespéré). En 2013, il titrait : « the hopeful continent » (= continent plein d’espoir). Mais, les pays africains continuent d’avancer sur la scène internationale en ordre dispersé. L’Afrique saura-t-elle s’unir en accélérant les processus d’intégrations régionale et continentale ? Saura-t-elle, dans certains cas, parler d’une seule voix, en particulier dans le domaine de la lutte contre le réchauffement climatique ou le terrorisme ?

Christian Gambotti
Directeur général du think tank
Afrique et Partage
Directeur général de l’Institut Choiseul
Directeur de la Collection
L’Afrique en marche

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Crédits: AK-Project