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Intreview Mamadou Cissokho, président d’honneur du ROPPA , Politique agricole de la Cedeao : «La souveraineté alimentaire ne se négocie pas»

Le président d’honneur du Réseau des organisations paysannes et de producteurs de l’Afrique de l’Ouest (ROPPA), Mamadou Cissokho, définit ici les enjeux de politiques agricoles et leurs rôles dans la gouvernance du secteur. C’était lors de l’atelier régional de renforcement des capacités des Organisations de la société civile et des médias pour la formulation des priorités de résilience au Sahel et en Afrique de l’Ouest, qui s’est tenu du 04 au 8 mai dernier, à Grand-Popo, au Bénin.

Notre Voie : Vous soutenez que la souveraineté alimentaire ne se négocie pas. Que doivent alors faire les acteurs aussi bien étatiques que ceux de la société civile pour parvenir à la sécurité alimentaire ?

Mamadou Cissokho  : Je persiste et je signe, la souveraineté alimentaire ne se négocie pas. Parce que l’on se nourrit trois fois par jour, au minimum deux fois. Sur cette base, la première responsabilité individuelle et collective, c’est de gérer cette affaire. C’est pourquoi nous avons indiqué que c’est une question de souveraineté. Etant donné que le principe est qu’il faut manger au moins deux fois par jour . C’est quand cette exigence est accomplie, qu’il y a de la nourriture disponible, qu’on peut s’attaquer à d’autres problème. Ce principe est bien marqué dans la politique agricole de la Cedeao.

N.V  : Que pensez-vous alors de ces Etats africains qui bradent leurs terres aux multinationales ?

M.S : Laissez-moi vous dire que l’ignorance crée beaucoup de problèmes. Il y a des chefs d’Etat qui justifient le bradage des terres parce qu’il s’agirait de renforcer la sécurité alimentaire du pays à travers une production abondante. Si ça ne tient qu’à cela, il faut se demander si les communautés qui sont sur ces terres, mal an bon an, n’assurent pas déjà la sécurité alimentaire du pays. Sinon, qu’on les mette dans les conditions optimales de production de masse. Et le problème de l’insécurité alimentaire est résolu. Même si la terre appartient à l’Etat, ce sont des gens qui y habitent. Il faut donc discuter avec les communautés pour voir l’espace qui est réellement disponible. Car, la terre c’est pour la nourriture, mais aussi pour le logement, les infrastructures. L’Etat doit faire une planification avant de céder les terres. Il doit se poser des questions quant à l’accroissement de la population, étant donné que les communautés sont appelées à s’agrandir. Donc, on ne cède pas les terres du pays sur le présent.

N.V : Au cours de l’atelier, il a été évoqué le cas nigérian qui pratique un protectionnisme que les participants ont qualifié d’inacceptable…

M.S  : Le Nigeria a adopté une attitude nationaliste. C’est d’abord renforcer les capacités de production des paysans nigérians, produire pour le Nigeria d’abord, consommer des produits nigérians. Or, le pilier de la construction de la Cedeao, c’est la libre circulation des biens et des personnes. Autrement dit, la possibilité pour un citoyen d’un pays d’exercer son commerce dans un autre pays et d’être respecté. Encore que les Etats de la Cedeao viennent de signer le Tarif extérieur commun qui crée le marché régional. Malheureusement, ce pays, bien qu’ayant signé tous ces accords, continue de refuser sur son sol, sinon taxe au maximum, les produits qui viennent des autres pays. Alors que les produits nigérians rentrent dans les autres Etats sans restriction. C’est un comportement que nous devons combattre. Si le cas du Nigeria est très visible, il faut reconnaitre que certains Etas font comme le Nigeria, mais en plus fin. Il y a des pays qui font des difficultés aux transporteurs inter-Etats. Et ça crée un problème de compétitivité.

N.V  : Nous apprenons que la Cedeao a décidé de la création de réserves de céréale régionales à partir des réserves nationales qui seront gérés par les Etats. Comment cela va-t-il se faire dans le concret ?

M.S : La réserve régionale, c’est du virtuel. Prenons le cas d’un Etat qui s’approvisionne en céréale. Il va obtenir l’appui financier de la région pour effectuer ses achats en céréale. Ce montant correspond à une quantité qu’il doit réserver à la région. Voilà le principe. La Cedeao a mis dans sa politique agricole que la région doit être souveraine. On ne peut pas envisager la souveraineté alimentaire si on ne dispose pas de stocks. Le stock de sécurité est très important pour trois raisons essentielles : c’est pour la sécurité alimentaire, c’est pour la régulation des marchés, c’est pour éviter la spéculation. Par exemple, si un Etat est considéré déficitaire dans telle céréale, la région va demander au pays le plus proche de libérer son stock régional au profit de ce pays, dans la proportion de ses besoins.

Interview réalisée au Bénin par J-S LIA

Source :Notre Voie

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Crédits: AK-Project